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4 Juin 2008
Chapitre 2-2 : Simulacre et Lapin Blanc (2ème partie)
Partie 2 - Simulacre
Il est vain de tenter de résumer l'oeuvre de Baudrillard en quelques lignes, mais on pourra ici au moins s'essayer à une définition des termes simulation et simulacre.
La simulation se veut l'expérience du réel à travers ce qui nous en est rapporté (soit l'essentiel de l'expérience du réel tel que la vit un sujet contemporain), le simulacre en étant la représentation figurée (l'objet, l'image). Selon Baudrillard, les sociétés se sont à ce point reposées sur ces simulations, se sont à ce point constituées sur la base de ces signes de la réalité, qu'elles en ont perdu le contact avec le monde réel. Le simulacre, d'abord reconnu comme représentation du réel, s'est vu multiplié, systématisé par l'avènement industriel, contribuant à brouiller les repères entre l'image et ce qu'elle représente (ce qu'elle simule), jusqu'à ce que, " dans la société post-moderne, le simulacre ne finisse par précéder et déterminer le réel. "
" Il ne s'agit plus d'imitation, ni de redoublement, ni même
de parodie, mais d'une substitution au réel des signes du réel, c'est-à-dire d'une opération de dissuasion de tout processus réel par son double opératoire, machine signalétique métastable,
programmatique, impeccable, qui offre tous les signes du réel et en court-circuite toutes les péripéties. " (Jean Baudrillard. Simulacres et Simulation - Galilée 1981)
Dans le chapitre " Du Nihilisme ", Baudrillard fait remarquer que, lorsque l'omnipotence de Dieu ne peut être ressentie qu'à travers l'icône qui le symbolise, l'icône religieux devient
le substitut de l'idée de Dieu. Ainsi, le simulacre devient omnipotent dans la conscience humaine, et suggère chez le croyant l'idée qu'au fond, Dieu n'a jamais existé, que seul le simulacre
existe.
Or, si le premier Matrix jonglait astucieusement avec l'idée de la simulation (en opposant un univers simulé à la réalité que découvre le héros), à aucun moment le concept de simulacre n'était
pleinement abordé, encore moins le fameux " nihilisme " qui en découle.
Ceci occasionna de légitimes critiques, surtout en France, à l'encontre des prétentions du film, et sa manière de citer pompeusement des philosophes dont il ne retenait à priori que l'aspect
gadget.
A priori seulement. Car si d'aventure un critique considérait que la référence à Baudrillard avait parfaitement lieu d'être, s'il supposait que les scénaristes hollywoodiens à l'origine de ce
blockbuster était des gens cultivés et peut-être plus intelligents que lui (chose impensable pour un lettré français) alors ce critique, ce spectateur cultivé et doté d'un minimum d'humilité
aurait très certainement eu l'intuition du piège qui se profilait : à savoir que Matrix le film opérait précisément comme un simulacre, que les signes, les conventions auquel il avait
recours pour nous révéler une " vérité " (Neo découvre le monde réel) étaient les outils-même qui nous interdiraient de comprendre la " vérité " de l'oeuvre (il n'y a pas de
monde réel).
A Hollywood, le terme " pitch " désigne le plus petit
dénominateur commun d'un film, ce qui permet de le résumer en quelques mots, ce qui sert à présenter de façon économique le concept à des producteurs éventuels, et ce qui sert plus tard à la
promotion du film vers le public.
Le pitch de Matrix, tel qu'il fut unanimement perçu à sa sortie était évident : " La libération de l'humanité, rendue esclave par les machines. " C'est ainsi que journaux, médias,
spectateurs, se relayaient l'histoire du film. Et pourtant, à y regarder de près, aucun élément de la campagne marketing n'explicitait ce pitch, tel que cela se produit pourtant d'ordinaire. Les
seules taglines (phrases d'accroche) qui accompagnèrent la sortie du film étaient, au choix, des affirmations d'ordre général " The fight for the Future begins ", des questions qui
laissaient entendre une réponse " What is the Matrix ? " ou des affirmations qui invectivaient directement le public " The Matrix has YOU ".
Et si, à tout hasard, ce pitch, aussi absent de l'oeuvre
qu'omniprésent dans l'esprit du public, était faux ?
Et s'il n'était que le fruit d'une représentation du réel (du film) totalement déconnectée du réel ?
Et si le simulacre avait effectivement fini par précéder et déterminer le réel ?